A priori, je ne pensais pas que mon billet de la semaine dernière appellerait une suite (pour les lecteurs qui cherchent le bouton « passer l’intro », il y était question de rédacteurs freelance, de plateformes sérieuses et d’ubérisation de la profession). C’était compter sans l’inventivité d’internet.
La mise en place de réseau à la recherche de débouchés tient une place prépondérante dans ma nouvelle condition de freelance. Alors la joie des premiers retours est à la mesure des efforts. Spoiler : mon euphorie sera vite douchée.
Des articles vendus comme des chargeurs de smartphones
Le premier contact est passé par le formulaire de mon site web. Objet du message : « acheter un article ». Chic, les affaires reprennent ! Enfin, soyons réaliste : elles ne reprennent pas, elles démarrent à peine. Ou pas :
« Bonjour nous avons créé un nouveau concept de site qui met en relation, sous la forme d’un site ecommerce, des personnes qui cherchent du contenu pour leur site ou blog avec des rédacteurs. Nous cherchons des rédacteurs et nous souhaiterions vous proposer de le devenir pour notre site. Note : comme notre site vient juste d’ouvrir, nous proposons aux premiers inscrits une réduction de 1 point sur la commission par article publié. A vous lire Cordialement acheter-un-article.fr »
Ce que j’ai sottement pris pour un client est en fait le démarcheur d’une nouvelle plateforme. Quelques mails échangés plus loin, je comprends que le « nouveau concept » en question consiste à publier des articles proposés par qui voudra (enfin à condition de disposer d’un numéro de SIRET). Ces articles seront ensuite proposés à la vente en ligne à des éditeurs qui pourront ainsi les publier sur leurs supports. La plateforme n’impose aucun tarif, mais « recommande » 0,08€ du mot. Et prélève 15% sur les ventes. 0,08€ le mot, moins 15%, moins les cotisations sociales… On doit s’approcher du SMIC pakistanais.
Et encore n’a-t-on pas évoqué la propriété intellectuelle, ou le droit de regard sur les supports où ma prose serait éventuellement publiée. Qui me garantit que mon article, vendue en ligne comme un vulgaire chargeur de smartphone (et pas plus cher) ne sera pas publiée sur un site pornographique ou suprémaciste ?
Payer pour voir la tête du client
Cette première surprise ne sera pas la dernière de la semaine. Les annonces sponsorisées (dans le métier, on dit SEM), de Google me conduisent chez StarOfService. Je suis déjà présent sur Malt et Coworkees, mais après-tout, allons voir.
Création du profil, rien d’inhabituel, pas même la case obligatoire pour le numéro de SIRET. 9h30, je suis présent sur la plateforme. 15h16, un mail : « Nina J. a besoin d’un éditeur ». Cinq heures et un premier contact ? Inespéré ! Clic enthousiaste sur le bouton « répondre à Nina ».
Et atterrissage sans douceur sur une page qui me demande de définir mon « plafond de dépenses ». En fait, Star Of Service fonctionne sur le modèle des liens sponsorisés des moteurs de recherche. Avec un maximum de 72€ par semaine, je peux espérer « trois mises en relations soit 9 à 12 contacts »; pour un maximum de 360€ par semaine, ce sera « 15 mises en relation, soit 45 à 90 contacts ». Des sommes pas tout à fait anecdotiques pour un freelance débutant, qui me permettront de voir la tête de quelques clients. Rien ne garantit en revanche que ceux-ci passeront à la caisse.
J’ai précipitamment quitté la page sans renseigner mes coordonnées bancaires. Depuis, j’ai reçu 20 mails de relance de la plateforme (dont cinq d’une certaine « Marion de StarOfService » que je remercie de sa sollicitude).
Promis, dans mon prochain billet, j’essaierai de faire moins démoralisant. Si tout va bien, je devrais vous parler des aventures d’un grille-pain.